Sécurité psychologique : pourquoi vos meilleurs collaborateurs se taisent (et comment y remédier)

Par Alexis Bonnefon, coach et formateur en gestion des conflits - Blim Group

Vous avez recruté des talents, mais en réunion, ils restent silencieux. Vous demandez des idées, personne ne se lance. Une erreur survient, tout le monde se cherche un coupable. Ce n'est pas un problème de compétence. C'est un problème de sécurité psychologique. Amy Edmondson, professeure à Harvard, a démontré que c'est LE facteur qui différencie les équipes performantes des équipes médiocres.

Qu'est-ce que la sécurité psychologique ?

La sécurité psychologique, selon Edmondson, c'est la conviction partagée que l'équipe est un espace sûr pour prendre des risques interpersonnels. Concrètement, les membres se sentent libres de poser des questions "bêtes", d'admettre une erreur, de challenger une idée du N+2, de proposer une solution non conventionnelle.

Ce n'est PAS : Une gentillesse systématique ou l'absence d'exigence. C'est plutôt : Un climat où l'exigence est haute MAIS où l'erreur honnête est une opportunité d'apprentissage, pas un motif de sanction.

Le cycle toxique de l'insécurité psychologique

Dans mes années en RH, j'ai observé un paradoxe : les équipes avec le moins de conflits visibles avaient souvent les pires climats. Pourquoi ? Parce que les désaccords étaient étouffés par la peur.

Le cycle : Un collaborateur hésite à partager une remarque → Le silence est interprété comme un accord → Les mauvaises décisions passent sans filtre → Les frustrations s'accumulent en silence → Explosion ou fuite.

Les données d'Edmondson : Les équipes avec haute sécurité psychologique rapportent PLUS d'erreurs (mais en font objectivement moins), innovent 7x plus, ont un turnover 27% plus faible, et leur performance est supérieure de 17%.

Les 4 comportements qui détruisent la sécurité psychologique

1. La réaction négative à l'erreur honnête

Ce que vous dites : "Comment avez-vous pu laisser passer ça ?"
Ce qu'ils entendent : "Cache tes erreurs la prochaine fois."

Alternative : "Merci de m'avoir prévenu. Qu'est-ce qui a manqué dans notre processus ? Comment on s'assure que ça ne se reproduit pas ?"

2. Le rejet des idées non conventionnelles

Ce que vous dites : "On a toujours fait comme ça."
Ce qu'ils entendent : "Ne propose rien qui sort du cadre."

Alternative : "Intéressant. Quel problème ça résoudrait selon toi ?"

3. La punition du porteur de mauvaises nouvelles

Vous vous agacez visiblement quand quelqu'un vous annonce un problème. Résultat : vous êtes le dernier informé des crises.

Alternative : "Merci de me tenir informé dès maintenant. C'est exactement ce que j'attends. On fait quoi maintenant ?"

4. Le monopole de la parole en réunion

Vous exposez votre vision, puis demandez "Des questions ?" dans les 2 dernières minutes.

Alternative : Posez des questions AVANT de donner votre avis. "Avant que je partage ma perspective, qu'est-ce que vous en pensez ?"

Le test des 7 questions (Edmondson)

Posez ces questions à votre équipe (anonymement) sur une échelle de 1 à 7 :

  1. Si je fais une erreur, elle est souvent retenue contre moi (inversé)

  2. Les membres sont capables de soulever des problèmes difficiles

  3. Les gens rejettent parfois les autres pour être différents (inversé)

  4. Il est sûr de prendre un risque dans cette équipe

  5. Il est difficile de demander de l'aide (inversé)

  6. Personne n'agirait délibérément pour saboter mes efforts

  7. Mes compétences uniques sont valorisées et utilisées

Score < 4 : Alerte rouge. Votre équipe se tait par peur.
Score 4-5 : Zone neutre. Ça fonctionne, mais pas optimalement.
Score > 5,5 : Bonne sécurité psychologique.

Les 5 leviers concrets pour construire la sécurité psychologique

Levier 1 : Cadrer le travail comme un problème d'apprentissage

"On entre en territoire inconnu. On va forcément faire des erreurs. Ce qui compte, c'est qu'on apprenne vite." Vous légitimez l'erreur AVANT qu'elle arrive.

Levier 2 : Reconnaître votre propre faillibilité

Partagez vos erreurs. "J'ai bousillé ma présentation au comex hier. Heureusement, Sarah a rattrapé le coup. Même moi, je plante. Et c'est OK."

Levier 3 : Poser des questions qui invitent à la contribution

Remplacez "Qui n'est pas d'accord ?" par "Qui voit des risques que je n'ai pas vus ?"

Levier 4 : Répondre productivement (surtout quand ça pique)

Quelqu'un challenge votre décision ? Ne vous défendez pas. À la place : Remerciez → Explorez → Engagez.

"Merci d'avoir soulevé ça. Dis-m'en plus. Quel risque tu vois ? Comment on pourrait le mitiger ?"

Levier 5 : Sanctionner le silence, pas l'erreur

Un collaborateur vous cache un problème ? C'est ça qui mérite un recadrage. Pas l'erreur elle-même.

"Marc, je suis déçu. Pas que le bug soit passé - ça arrive. Mais que tu ne m'aies pas prévenu. Dans cette équipe, cacher les problèmes est inacceptable."

Sécurité psychologique ≠ Absence de conflit

Une idée reçue : si mon équipe se sent en sécurité, il n'y aura plus de tensions. Faux. Les équipes à haute sécurité psychologique ont PLUS de conflits exprimés. Mais ces conflits sont anticipés, localisés sur des sujets précis, productifs, et résolus rapidement.

Dans mes formations chez Blim Group, j'enseigne cette distinction : la sécurité psychologique ne supprime pas le conflit, elle le rend gérable et fécond.

Votre plan d'action sur 90 jours

Jours 1-30 : Faites passer le questionnaire à votre équipe. Identifiez les situations où quelqu'un s'est tu. Partagez publiquement une de vos erreurs.

Jours 31-60 : Tracez vos réactions quand on vous apporte un problème. Pratiquez la réponse productive. Comptez qui parle en réunion.

Jours 61-90 : Lancez un rituel "erreur de la semaine". Créez une règle : "On valorise les questions inconfortables." Célébrez quelqu'un qui vous a challengé.

La sécurité psychologique se construit décision après décision

Vous ne la créez pas en un discours. Vous la construisez par vos micro-réactions quotidiennes. Chaque fois qu'un collaborateur prend un risque interpersonnel, votre réaction confirme ou détruit la sécurité. C'est un travail de tous les jours. Mais c'est l'investissement managérial avec le meilleur ROI.

Vous voulez former vos managers à créer un climat de sécurité psychologique ?

J'accompagne les entreprises à transformer leur culture managériale pour faire des conflits et des erreurs des leviers d'apprentissage collectif.

Alexis Bonnefon - Blim Group
Coach et formateur certifié en gestion des conflits
Interventions en France | Basé à Tours
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Mots-clés : sécurité psychologique, Amy Edmondson, climat de travail, management bienveillant, culture d'entreprise, formation management, gestion des erreurs, confiance en équipe, performance collective, formation managers Tours

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