Soigner les vrais maux d’une équipe : quand la formation “pansement” ne suffit plus.
Au cours de mon expérience en tant que Responsable RH et Formation, j’ai souvent vu la même scène se répéter : une équipe qui va mal, et on décide de “l’envoyer en formation” comme si ça allait tout régler. C’est un peu comme mettre un pansement sur une jambe cassée. Ça soulage sur le moment, mais ça ne soigne rien.
La réalité est bien plus complexe, et c'est Patrick Lencioni qui l'a si bien mise en lumière dans son livre, Les cinq dysfonctionnements d’une équipe. Ce modèle m’a été d'une aide précieuse pour mettre des mots précis sur ces blocages récurrents qui, s'ils ne sont pas nommés et traités, peuvent miner une équipe avec des conséquences très coûteuses : turnover, désengagement, voire burnout. C'est pourquoi une bonne partie de la méthode d’accompagnement que j'utilise aujourd'hui s'appuie sur ses travaux.
En résumé, ce qu’il faut retenir:
La formation est souvent un "pansement" inefficace face à des dysfonctionnements d'équipe plus profonds.
L'absence de confiance (ou de sécurité psychologique) empêche la vulnérabilité, mène à la peur du conflit et installe le désengagement.
La solution réside dans l'action concrète et progressive sur ces leviers (confiance, gestion du conflit, clarté, responsabilité) plutôt que de s'attarder sur les symptômes.
Où ça coince vraiment
Je vais vous donner ici une vision simple de ces dysfonctionnements, en partant de la base, pour ensuite partager ce que j’ai appris, sur le terrain, à mettre en place concrètement.
Le fondement : l’absence de confiance et de sécurité psychologique
Le point le plus essentiel, c’est celui-là. Sans confiance ni sécurité psychologique, une équipe avance masquée. Chacun garde ses difficultés pour soi, par peur d’être jugé ou par habitude de culture d’entreprise. J’ai aussi vu des équipes “très pros”, impeccables en apparence, mais totalement fermées aux émotions. Le problème, c’est que sans vulnérabilité, il n’y a pas de vraie confiance, et donc pas de vraie collaboration. On croit parfois que l’absence de conflit est un signe que tout va bien, alors qu’en réalité, c’est souvent le signe que les bases ne sont pas là.
Le mur du silence : la peur, et la mauvaise gestion du conflit
Quand la confiance n’est pas là, les conflits deviennent tabous. On évite les débats, on gomme les désaccords, on garde pour soi ce qui dérange. Pourtant, un désaccord exprimé peut être sain, même créatif. Mais quand personne n’ose secouer l'existant ou les décisions prises, ce silence finit par générer des frustrations, des rancunes… et parfois des explosions mal gérées. Bref, éviter le conflit, c’est rarement une bonne idée.
La fausse adhésion : le manque d’engagement
Quand il n’y a pas de vrais conflits, il n’y a pas non plus de vrais choix collectifs. Les décisions tombent, et chacun fait semblant d’adhérer. En réalité, beaucoup attendent que “d’autres tranchent” ou que “ça se règle tout seul”. Résultat : peu d’énergie, peu de prise de risque, et une dynamique qui s’essouffle.
La faiblesse du collectif : l’absence de responsabilité mutuelle
C’est un effet domino. Quand l’engagement s’amenuise, la responsabilité partagée disparaît. Personne n’ose recadrer un collègue qui ne joue pas le jeu, personne ne tient vraiment la barre. J’ai connu des équipes où, même face à des retards ou des erreurs flagrantes, tout le monde se taisait. On préfère laisser courir. Mais sans ce “contrôle mutuel” bienveillant, l’exigence collective baisse, et avec elle, le niveau de performance.
La chute : l’inattention aux résultats collectifs
Dernière marche de la descente : chacun tire la couverture à soi. On protège son petit territoire, on cherche sa reconnaissance personnelle, et le projet commun passe au second plan. Quand les objectifs d’équipe ne sont plus au centre, la victoire partagée disparaît et avec elle, le vrai sens du mot équipe et de ce qu’elle peut accomplir.
Agir sur les vrais leviers
Vous l’avez sans doute remarqué, mais on ne parle pas ici de manque compétences créant le dysfonctionnement (bien que possible) mais bien de dysfonctionnement collectif complexe avec un effet de réaction en chaine, rendant le dysfonctionnement encore plus complexe. La bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas besoin d’outils magiques ou de grandes révolutions. Ce qui marche, ce sont des gestes simples et répétés :
Favoriser la confiance (la vulnérabilité) : Encourager des temps d’échange sincères, même informels, où chacun peut se montrer tel qu’il est, sans peur du jugement. On commence par des exercices simples de partage personnel pour créer du lien.
Encourager le débat respectueux (le conflit constructif) : Instaurer des règles claires pour que les désaccords soient exprimés calmement et constructivement lors des prises de décisions importantes. Le désaccord doit être perçu comme une recherche de la meilleure solution, pas une attaque personnelle.
Clarifier les engagements (objectifs clairs) : Souvent la partie la plus maîtrisé du collectif : rendre les objectifs communs extrêmement clairs et visibles. Il faut assurer que tout le monde comprend, dit oui publiquement, et soutient activement les décisions prises, même si elles ne sont pas celles qu’on aurait souhaitées initialement.
Responsabiliser chacun (le rapport de l’individu quant au collectif) : Délimiter les rôles de chacun dans ces objectifs communs et créer des rituels de suivi où chaque membre est invité à rendre compte, non seulement au manager, mais aussi à ses pairs, de ses engagements. Un enjeu souvent clé ici est définir clairement le processus de décision (comment prendre une décision collective et définir un cadre facilitant la prise décision).
Mise en avant des résultats (la victoire est collective) : valoriser les réussites partagées et rappeler très régulièrement les enjeux communs pour que l'équipe reste focalisée sur la réussite du collectif, et non sur les intérêts individuels.
Comment j’interviens avec Blim
Avec Blim, j’accompagne les équipes dans ce virage-là : faire émerger la parole, recréer de la confiance, apprendre à débattre sans se blesser, et surtout, redonner envie de travailler vraiment ensemble.
Le cœur de notre accompagnement repose dans le rétablissement progressif de ces dysfonctionnements. Je me concentre essentiellement sur la médiation des conflits individuels et la transformation du collectif en tentant d’augmenter la confiance, puis en éduquant à une meilleure gestion du conflit. Ce travail prend du temps, demande de la constance et un engagement sincère de la part de tous. Mais chaque pas compte. Construire une équipe solide, où règnent la confiance et la responsabilité partagée, est sans doute le plus beau cadeau que l’on puisse faire à son organisation et, surtout, à ses individus.